Le Scaphandre

scaphandrier

 L’envie d’aller sous l’eau ne date pas d’hier, en effet, la représentation la plus ancienne d’un pêcheur sous-marin date de 4500 av.J.C. et le premier plongeur équipé, en l’occurrence une outre en cuir, apparaît sur un bas-relief assyrien datant du règne d’Assourbanipal (669 – 627 av.J.C.).

Aristote lui-même (IV°s.av.J.C.), décrit des dispositifs respiratoires utilisés par des plongeurs en les comparant à des trompes d’éléphants, et mentionne une cloche permettant à l’homme de séjourner quelques instants sous l’eau, Alexandre Le Grand en personne serait descendu sous l’eau à l’aide d’une cloche de verre tandis que Pline l’Ancien (23 à 79 ap.J.C.) décrit déjà l’ancêtre du tuba.

Mais il faut attendre les XVII° et XVIII°, soient seize siècles, pour voir vraiment se développer des cloches à plonger et c’est Edmond Haley, célèbre astronome découvreur de la fameuse comète qui porte son nom, qui fait construire la première cloche recouverte de plomb en 1690 ; celle-ci, alimentée en air par des tonneaux lestés, lui permit de rester une heure entre 16 et 18 mètres mais l’alimentation en air n’est pas simple et l’évacuation du gaz carbonique reste un problème.

En 1819, l’allemand Augustus Siebe élabore le 1° système de scaphandre : un casque de cuir avec des hublots, l’air est comprimé en surface par une machine à piston et amené par un tuyau, le plongeur est équipé de chaussures à semelles de plomb : le premier « pieds lourds », et il améliore son système en 1837 en installant des soupapes pour l’admission d’air et l’évacuation du CO², de plus il rajoute un vêtement étanche en caoutchouc souple.

En 1860, deux aveyronnais, Benoit Rouquayrol et Auguste Denayrouze, en cherchant un système pour secourir les mineurs victimes de coups de grisous, ajoutent au scaphandre un régulateur de pression (l’aérophore, ancêtre du détendeur) et posent une réserve d’air sur le dos du scaphandrier : le scaphandre autonome est né, et c’est d’ailleurs lui qu’utilisent le Capitaine Némo et les marins du Nautilus dans le roman de Jules Verne : 20000 lieues sous les mers. Mais la durée de plongée reste limitée car les moyens de comprimer l’air en grande quantité n’existent pas encore.

C’est le 6 août 1926 que le Commandant Yves Le Prieur adapte un scaphandre avec bouteille et régulateur…mais à débit continu, et en 1935, le Commandant De Corlieu invente les premières palmes en s’inspirant d’un dessin de Léonard de Vinci.

Il ne reste plus qu’à l’ingénieur Emile Gagnan et au Lieutenant de vaisseau Jacques-Yves Cousteau qu’à perfectionner un système de masque fait d’une plaque de verre montée sur une jupe souple en caoutchouc et à inventer un système de détendeur donnant de l’air à la pression ambiante et à la demande du plongeur. C’est chose faite en décembre 1942.

J.Y.Cousteau

cousteau

Jacques-Yves Cousteau reste, à tort, dans la pensée populaire comme l’inventeur du scaphandre autonome ; en fait s’il n’a fait qu’alléger et perfectionner le système Rouquayrol-Denayrouze existant depuis 75 ans, c’est néanmoins à lui que revient le mérite d’avoir démocratisé l’aventure sous-marine et d’avoir rendu le dessous des océans accessibles au commun des mortels.

Né le 11 juin 1910 à Saint André de Cubzac, il prend très vite le goût des voyages en suivant son père alors avocat d’un milliardaire américain ; à 13 ans,

Il découvre le cinéma amateur et les calanques de Marseille, puis après un passage à l’Ecole Navale de Brest, s’embarque comme officier sur la Jeanne-D’Arc, navire école de la Marine Nationale, il devra par ailleurs renoncer à l’Aéronavale à laquelle il se destinait à la suite d’un accident de voiture en 1936.

En 1939, il est à Toulon lorsque la guerre éclate. Dés lors, il va occuper ses loisirs à filmer les fonds sous-marins de la Méditerranée encore pure, à l’aide d’une petite caméra enfermée dans un bocal.

A l’époque, on ne connaît que les « pieds-lourds » pour plonger ; trop lourd, trop compliqué, trop dépendant pour Cousteau qui reprend le système Rouquayrol-Denayrouze et conçoit, avec l’aide de l’ingénieur Emile Gagnan, ingénieur et inventeur d’un détendeur à gazogène pour les automobiles,  un système de respiration autonome: « l’Aqualung » (poumon aquatique en Anglais), marque bien connu des plongeurs et dont le brevet et les droits feront la fortune des deux inventeurs.

Désormais, plus rien Jacques-Yves Cousteau de donner libre cours à ses passions de cinéaste sous-marin et d’archéologue amateur ; en 1947 il atteint la profondeur de 100 mètres, et en 1950, Lord Guiness, richissime mécène abglais lui fournit un outil supplémentaire en lui offrant un vieux dragueur de mines britannique : La Calypso.

En matière de cinéma sous-marin, Cousteau et toute son équipe créent, inventent et expérimentent régulièrement jusqu’à la consécration en 1956 : « Le Monde du Silence », film réalisé en collaboration avec Louis Malle, palme d’or à Cannes avec plus de deux millions de spectateurs, et qui va révélé au monde entier toutes les splendeurs d’un univers de couleurs et de lumière, peuplé de poissons et de gorgones multicolores, de baleines, de requins et de …Jojo le mérou !

Gloire, fortune et célébrité en poche, Cousteau démissione de la Marine avec le grade de Capitaine de Corvette et se consacre totalement et, accompagné de sa femme Simone, épousée en 1937, de ses enfants Philippe (décédé par la suite dans un accident d’autogyre) et Jean-Michel, de Frédéric Dumas, le compagnon des premiers jours et des premiers essais du scaphandre, et de tout un équipage de passionés, il sillonne les océans de l’Antarctique à la Mer Rouge, du Pacifique au Saint Laurent…invitant à bord toute sorte de scientifiques : biologistes, zoologistes, géologues, archéologues…et en retire des centaines de kilomètres de bobines de film, de documentaires et des milliers de pages de livres.

Il invente tout le matériel qui lui est nécessaire : la soucoupe plongeante, et le premier mélange Hélium-Hydrogène qui permettent à une équipe de six hommes de travailler plusieurs semaines par 110 mètres dans Précontinent III, station immergée au large du Cap-Ferrat, puis il met au point l’Argynomètre, sous-marin de concept révolutionnaire mais son projet échoue en 1972.

Conscient des menaces de pollution qui pèsent sur les écosystèmes, en 1960, il force le Général de Gaulle à faire cesser l’immersion de déchets radioactifs en Méditerranée et crée en 1974 aux USA la « Cousteau Society » (Fondation Cousteau en France puis Equipe Cousteau en 1992) ; 400.000 adhérents aujourd’hui.

Directeur du Musée Océanographique de Monaco de 1957 à 1988, date à laquelle il est élu à l’Académie Française, il intervient auprès de l’ONU pour faire de l’Antarctique une réserve protégée, et au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, « Captain Planet », comme on le surnomme désormais, recueille 5 millions de signatures pour « Les Droits Des Générations Futures ».

Le jour de la mort de François Mitterrand, le 8 janvier 1996, la Calypso, trop âgée, coule dans le port de Singapour, Cousteau en profite alors pour lancer une souscription pour construire son dernier projet : Calypso II (ou « l’Alcyon »), navire révolutionnaire à voilure en tuyère, avant de décéder le 25 Juin 1997 à l’âge de 87 ans.

Le Guide de Palanquée

I) GENERALITES

1.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

1.02 Le guide de palanquée n’est pas pointilleux, il est précis.

1.03 Le guide de palanquée n’est pas maniaque, il est organisé.

1.04 Le guide de palanquée n’est pas de mauvaise humeur, il est soucieux.

1.05 Le guide de palanquée ne maugrée pas, il soliloque.

1.06 Le guide de palanquée n’est pas agité, il est dynamique.

1.07 Le guide de palanquée n’est pas téméraire, il est volontaire.

1.08 Le guide de palanquée n’est pas timoré, il est prudent.

1.09 Le guide de palanquée n’est pas « grande gueule », il est extraverti.

1.10 Le guide de palanquée ne fuit pas ses responsabilités, il délègue ses pouvoirs.

1.11 Le guide de palanquée ne se vante pas, il est conscient de sa valeur

1.12 Le guide de palanquée n’est pas brouillon, il improvise brillamment..

1.13 Le guide de palanquée n’est pas timide, il est réservé.

II) AVANT LA PLONGEE

2.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

2.02 Le guide de palanquée n’oublie pas son matériel, il se sacrifie pour la sécurité surface.

2.03 Le guide de palanquée n’a pas grossi, c’est sa combinaison qui a rétréci.

2.04 Le guide de palanquée ne bavarde pas, il fait son briefing.

2.05 Le guide de palanquée n’est pas distrait, il se concentre.

2.06 Le guide de palanquée n’a pas le mal de mer, il est à l’écoute de la nature.

2.07 Le guide de palanquée n’est pas indiscret, il inspecte.

2.08 Le guide de palanquée n’est pas prêt le dernier, il s’équipe avec calme.

2.09 Le guide de palanquée ne part pas bloc fermé, il teste votre sens de l’observation.

III) DURANT LA PLONGEE

3.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

3.02 Le guide de palanquée n’est pas essoufflé, il se ventile

3.03 Le guide de palanquée n’est pas égaré, il étalonne sa boussole.

3.04 Le guide de palanquée n’est pas incapable de retrouver l’épave, il en explore les alentours.

3.05 Le guide de palanquée n’hésite pas, il examine la situation.

3.06 Le guide de palanquée ne panique pas, il s’inquiète.

3.07 Le guide de palanquée n’a pas froid, il frôle l’hypothermie.

3.08 Le guide de palanquée ne fait pas une ivresse des profondeurs, il relativise ses perceptions spatio-temporelles

3.09 Le guide de palanquée ne perd pas un plongeur, il est trahi par son serre-file.

3.10 Le guide de palanquée n’est pas en panne d’air, il propose un exercice technique.

3.11 Le guide de palanquée n’est pas le premier à avoir son mano qui arrive à 50 bars, il précède les événements.

3.12 Le guide de palanquée ne remonte pas à vitesse non réglementaire, il s’adapte aux circonstances.

IV) AU PALIER

4.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

4.02 Le guide de palanquée n’a pas de problèmes de stabilisation, il tient compte des mouvements de la houle.

4.03 Le guide de palanquée n’est pas trop léger, il est en flottabilité positive.

4.04 Le guide de palanquée ne trouve pas le temps long, il pense.

4.05 Le guide de palanquée n’a pas oublié qu’il est l’heure de sortir, il va dans le sens de la sécurité.

4.06 Le guide de palanquée n’oublie pas le 360°, il donne la priorité à la surveillance des plongeurs.

  1. V) LE RETOUR EN SURFACE

5.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

5.02 Le guide de palanquée n’est pas fatigué, il paie ses efforts.

5.03 Le guide de palanquée n’est pas distancé, il occupe une position de surveillance.

5.04 Le guide de palanquée ne dérive pas, il utilise le courant.

5.05 Le guide de palanquée n’a pas de crampes, il est tonique.

5.06 Le guide de palanquée n’est pas au bout du rouleau, il cherche son second souffle.

5.07 Le guide de palanquée ne se repose pas, il attend les autres.

5.08 Le guide de palanquée ne boit pas la tasse, il fait corps avec la mer.

5.09 Le guide de palanquée ne gonfle pas son gilet par confort personnel, il se tient prêt à intervenir.

VI) APRES LA PLONGEE

6.01 Le guide de palanquée a toujours raison.

6.02 Le guide de palanquée n’a pas oublié d’indiquer que son mano était passé sous les 50 bars, il allait le faire.

6.03 Le guide de palanquée ne râle pas, il explique..

6.04 Le guide de palanquée n’est pas rancunier, il a de la mémoire.

6.05 Le guide de palanquée ne présente pas un rapport au directeur de plongée, il l’informe.

6.06 Le guide de palanquée ne se rue pas sur les merguez, il reconstitue ses réserves énergétiques.

6.07 Le guide de palanquée ne mendie pas un coup de rouge, il sacrifie à la convivialité.

6.08 Le guide de palanquée ne drague pas, il n’a pas le droit de décevoir l’adulation de ses admiratrices.

VII) CONCLUSION

7.01 Le guide de palanquée n’est pas n’importe qui, c’est le guide de palanquée.

Jacques Mayol ou Le Grand Bleu

Mais que c’est-il donc passé ce 22 décembre 2001 dans la tête du père de l’apnée moderne, de ce maître à plonger des Pelizzari, Pipin, Leferme et consort, comment peut-on songer à se pendre, dans un accès ultime de désespoir, lorsque l’on est capable d’atteindre plus de 100 mètres de profondeur sans respirer et de tenir encore 4 minutes d’apnée à 74 ans ?

Né en Chine en 1927, Jacques Mayol était surnommé « l’Homme-Dauphin » pour ses exploits sous-marins en apnée. Sa fascination pour la mer, il l’a construite avec sa meilleure amie Clown, une femelle dauphin d’un aquarium de Floride où il travailla pendant 40 ans.

C’est avec Clown, qu’il rejoignait dans son bassin à l’heure du déjeuner, qu’il apprit à retenir son souffle et à économiser son énergie en apnée.

mayolIl perfectionnera plus tard ses techniques en complémentant avec de longues scéances de yoga qui lui permirent ensuite d’atteindre le premier les 100 mètres en novembre 1976 à l’ile d’Elbe puis 101 mètres en 1981 et 103 mètres en novembre de cette même année.

Ces plongées font parties d’une longue saga de compétitions avec l’italien Enzo Majorca (le 1° homme à atteindre les –50 mètres) qui dura 10 ans et qui virent doublée la profondeur atteinte.

Mayol lui même, se considérait plus comme un chercheur et un philosophe que comme un champion et lorsqu’il décida d’arrêter la compétition en novembre 1983 (à l’âge tout de même de 56 ans) après avoir atteint 105 mètres (battant son propre record), il prit le parti de se consacrer à la plongée uniquement dans l’intérêt de la science et ainsi contribua à enrichir le monde de l’apnée en terme de philosophie autour de l’esprit, de la relaxation et du yoga et amena les autres plongeurs « no-limit » à un autre regard sur l’apnée et sur la façon de descendre…et de remonter.

Cette même année, il livre sa vision du futur, de l’homme et de son évolution à travers un livre : « Homo Delphinus » ; pour lui, ce terme se réfère à tout homme aussi aquatique qu’un dauphin, et estime que l’évolution des espèces amènera certains individus à s’adapter, et à s’approcher au plus près de la constitution des mammifères aquatiques, ainsi, d’après lui,beaucoup d’entre eux ( !) seront capables dans les décennies, d’atteindre les 200 mètres.

Ce livre était, il y a vingt ans, l’œuvre d’un doux rêveur pour les esprits bien pensants, aujourd’hui, avec les 154 mètres atteint par Loïc Leferme en août 2001, record homologué, et surtout les 162 mètres (mais non homologués) franchis par Francisco Ferreras Rodriguez, dit « Pipin », le 18 janvier 2000, la réalité n’est pas loin de dépasser la vision de Jacques Mayol et tout laisse croire que la barre mythique des 200 mètres tombera rapidement ouvrant la porte à une nouvelle barre (300 mètres ?)….l’homo delphinus est déjà né !